Les chercheurs dans la robotique sociale font face à un champ d’études multidisciplinaire : psychologie, neuroscience, apprentissage machine, anthropologie et ingénierie sont autant de domaines à approfondir. Une école de printemps est l’occasion pour des chercheurs d’un domaine de se réunir pour présenter de manière approfondie leurs travaux et participer à des phases de réflexions collectives sur la meilleure manière de faire avancer chacun leur domaine. Organisée par le laboratoire ETIS de l’Université de Cergy-Pontoise, cette école de printemps avait pour thème « Robotique et Interactions Sociales »
La compliance physique, nécessaire à l’acceptation des robots
La compliance physique est la capacité pour un robot d’être « souple », permettant ainsi une interaction physique naturelle et sécurisée avec l’homme. Fethi Ben Ouezdou de l’Université de Versailles Saint-Quentin a présenté ses derniers travaux sur les actuateurs hydrauliques compliants. En collaboration avec la société BIA , ceux-ci ont été intégrés dans le robot humanoïde Tino, nouveau venu au laboratoire ETIS, que vous pouvez voir dans la vidéo ci-dessous :
Avantages des actuateurs hydrauliques compliants:
- un rapport force/masse très élevé
- le contrôle dynamique de la raideur
Inconvénients des actuateurs hydrauliques compliants:
- la nécessité d’embarquer un compresseur (des prototypes sans compresseur externe sont déjà en développement)
- une consommation plus élevée
Cas d’utilisation:
- l’exploration de l’interaction physique directe avec l’humain
- la reproduction de ses capacités musculaires
- l’adaptation dynamique de la raideur pour la réalisation de tâches complexes ex. la marche sur des terrains accidentés
L’interaction homme-robot : la lecture des intentions
L’équipe d’Yvonne Delevoye-Turrell de l’université de Lille 1 va aussi utiliser le robot Tino et ses actuateurs hydrauliques compliants pour étudier l’intentionnalité, la planification et l’exécution motrice. En effet notre capacité inconsciente à identifier les intentions d’un autre humain dès le début de son action motrice, mais aussi l’impact très important des signaux non-verbaux tels que l’orientation du regard dans nos interactions sociales sont des éléments à prendre à compte par les robots de services pour l’interaction avec les humains.
Sur une thématique assez proche, Rachid Alami du LAAS à Toulouse a présenté ses travaux sur les stratégies d’approche des robots dans l’interaction avec l’humain, à savoir :
- Comment celui-ci doit décider du parcours à effectuer pour amener un objet en prenant en compte bien sûr l’environnement et les obstacles
- les profils de préférence utilisateurs qui peuvent varier selon la posture, les capacités motrices (personne agée par exemple)
- le compromis entre rapidité d’exécution et effort de l’humain.
La robotique collaborative : au-delà de l’exécution, un moyen d’apprentissage
La cobotique, ou robotique collaborative, a aussi été abordée, notamment dans l’exposition des travaux de l’équipe de Peter Dominey du Robot Cognition Laboratory. La question posée est de savoir comment un homme et un robot peuvent se coordonner pour exécuter une tâche commune de manière efficace. En combinant l’interaction vocale, l’apprentissage d’objets et de séquences, la mémoire autobiographique, le raisonnement et l’anticipation, l’humain peut enseigner de nouvelles tâches collaboratives à un robot.
Autre dimension importante présentée par Ludovic Marin du laboratoire M2H à l’Université de Montpellier : les éléments de rythmique et de synchronisation présents dans de nombreuses interactions entre humains. Souvent de manière inconsciente, nous allons synchroniser nos mouvements, par exemple la marche, et converger vers des rythmes similaires. Cette synchronisation, ou au contraire son absence dans certains cas pathologiques, va jouer un rôle important dans la facilitation de l’interaction sociale et surtout du ressenti que nous en aurons.
Dans un contexte assez proche, Charles Lenay de l’université de technologie de Compiègne, a présenté ses recherches sur la détection de la présence d’un autre agent à un niveau sensori-moteur. Il a montré que des mécanismes sensori-moteurs extrêmement minimalistes permettent à deux humains de se reconnaître en tant que tels, à travers des mécanismes de synchronisation et d’imitation.
Notre ingénieur de recherche, Philippe Capdepuy de HumaRobotics, a présenté les différents projets de robotique sociale développés au sein de la société: interactions avec NAO dans le cadre de jeux tels que le puissance 4 et le poker, interaction multi-utilisateurs pour l’accueil et la présentation d’entreprise, mais aussi les travaux autour de la robotique collaborative avec le robot compliant Baxter , notamment l’apprentissage par démonstration.
L’apprentissage et le développement ont été présentés sous plusieurs angles. D’abord de nombreux résultats expérimentaux sur le développement de l’enfant ont été montrés par
Jacqueline Fagard du LPP à l’Université Paris-Descartes, démontrant la capacité de l’enfant de moins de deux ans à expérimenter, à comprendre ses capacités d’action sur l’environnement, et à les étendre à l’usage d’outils.
Philippe Gaussier de l’équipe ETIS à l’Université de Cergy-Pontoise a présenté ses travaux sur les approches minimalistes de l’imitation et du développement sensori-moteur à partir de réseaux de neurones. Ils arrivent grâce à des modèles basés sur l’homéostasie et la compensation d’erreur de perception à faire émerger des comportements d’imitation sensori-motrice (manipulation d’une balle, expressions faciales).
Des travaux conjoints menés avec Denis Vidal de l’IRD à l’Université Paris-Diderot ont été présentés. Une expérience grandeur nature dans laquelle le robot Berenson de l’ETIS a navigué pendant plusieurs jours dans le Musée du Quai Branly au contact des visiteurs humains. L’expérience a consisté à exploiter les interactions entre le robot, les visiteurs et les œuvres afin de faire émerger un sens de l’esthétique à partir de bases sensori-motrices très simples.
Une autre modalité d’interaction, les interfaces cerveau-machine, a été abordée par Manuel Lopes de l’équipe Flowers à l’INRIA . Moins naturelle mais avec des potentialités certaines, elle souffre pour l’instant de difficultés importantes en termes de calibration, car chaque personne aura des activations cérébrales très spécifiques. Les travaux présentés combinent des techniques d’apprentissage actif et d’apprentissage machine pour accélérer la calibration et l’identification des états mentaux de l’humain lorsque celui-ci souhaite donner des ordres à la machine.
Conclusion
Si cette école de printemps a bien montré une chose, c’est que la recherche sur les interactions sociales dans le contexte de la robotique est en plein essor. D’abord l’apparition de robots compliants tels que Baxter et Tino ouvre de nouvelles perspectives en termes d’interactions physiques et amène de nombreux questionnement sur la meilleure manière de faire collaborer l’homme et le robot. D’autre part, la prise en considération des aspects psychologiques de l’interaction devient de plus en plus importante pour concevoir des robots de services qui pourront évoluer de manière naturelle et intelligente avec l’homme. Sur ces points, Génération Robots/HumaRobotics est déjà dans les starting blocks avec une expertise unique sur le robot collaboratif Baxter et une bonne expérience des comportements sociaux avec le robot NAO.
Robots disponibles sur le site de Génération Robots:
Baxter Research Robot Prototype